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Les Comoriens très en colère contre Contra Sud

Amina.Z. est la l’une des filles d’une famille comorienne qui avait décidé de rentrer définitivement aux pays, après quarante ans de vie en France. Ses parents avaient préparé un conteneur bien rempli de matériels de tout genre. Mais quelques jours après l’embarcation du bateau, qui avait quitté le port de Marseille, le 06 juin 2007, à destination de Moroni, la famille apprend que tous ses efforts ont été jetés à la mer par l’équipage. Très touchée par cette triste nouvelle, Amina exprime sa colère et fait appel à une mobilisation forte pour dire : « plus jamais ça ».

Vos parents font parti malheureusement  des clients de Cotra Sud dont certains conteneurs ont fini leur parcours à la mer, pour cause, nous dit-on, de surcharge. Dans quel état d’esprit se trouvent vos parents après avoir appris la triste nouvelle ?

Vous savez, mes parents sont très croyants, et donc la nouvelle était vraiment un grand choc pour nous tous, en particulier ma mère qui a tant donné et tout misé sur ce voyage. La nouvelle nous a beaucoup affecté, car toute la famille s'était mobilisée pour que les parents puissent avoir une meilleure retraite. Mais ils se disent qu'il y a un Dieu, et ce Dieu leur rendra justice.

Qu’est ce que vos parents ont perdu exactement ?

Laissez-moi vous dire que mes parents ont perdu plus que du matériel, car après quarante ans, tout ce que l’on possède dans une maison prend une valeur sentimentale, humaine et affective.  Donc, peu importe ce que nous allons énumérer cela ne nous rendra jamais ces biens si précieux. En effet nous avons perdu une espace scénique, 7 chambres complètes, salons, frigos, congélateurs, micro-ondes, Moulinex, des cartons et des cartons de services, casseroles, beaucoup de vêtements que ce soit pour les parents ou pour les enfants, tous les souvenirs des parents, décoration maison (rideaux, draps, nappes serviettes de portes). Excusez-moi, mais si je me mettais à décrire tout ce que nous avons perdu, il y'aurait pas assez de place dans votre journal. 

Et comment votre transporteur explique cette histoire un peu inédite ?

Que voulez-vous qu'il nous dise ? Déjà il aurait fallu que le responsable prenne la peine d'appeler les victimes pour leur expliquer ce qui s'est réellement passé, et ne pas donner cette charge aux secrétaires. Lorsque on se déplace pour avoir des explications, il nous dit que c'est dû à une forte tempête. Mais ce que mes parents et d'autres ne comprennent pas : pourquoi ce n'est pas le bateau qui a tout coulé, mais certains conteneurs ? Cela confirme nos doutes que, vu la période estivale, où les colis se multiplient le bateau a été surchargé de conteneurs, et n'a pas supporté le poids.  Le commandant et l'équipage voulant sauver leur peau ils ont dû vider une parti. J'ai la même conviction que certains salariés de la compagnie.

Vos parents et vous, estimez que le bateau a été victime d’une surcharge. Comment en êtes-vous persuadés ?

Nous sommes persuadés, car si c'est vrai, comme veulent nous faire croire les transporteurs, que c'est une forte tempête, le bateau aurait coulé avec tous les conteneurs mais pas une partie. Et un salarié de Cotra Sud nous a confirmé que le commandant était obligé de jeter une partie dans l'eau pour sauver le reste ainsi que l'équipage.

Votre conteneur a disparu, que vous propose Cotra Sud ?

Cotra Sud nous dit que la valeur des marchandises n'a pas été déclarée. Donc cela va être difficile pour nous dédommager. Il nous fait une « faveur », selon le responsable, en nous proposant de ramener les factures, car seules celles-ci nous permettraient de toucher une somme dérisoire. Et c'est cela que nous contestons, car pas une seule fois Cotra Sud n’a proposé ou parlé d'une assurance à mes parents. Il leur a demandé juste de payer 4000 euros et puis c'est tout. Comment voulez-vous avoir des factures de plus de vingt ans ou bien même récentes, sachant très bien que certains commerçants n'en donnent pas ou n’acceptent toujours pas d’établir des factures postérieures.   Après avoir fait  porte-à-porte, magasin après magasin, il n’ y a que quatre sur quinze qui ont accepté de fournir quelques factures. Donc je veux bien qu'on nous demande des preuves mais je pense que c'était plutôt avant qu'il fallait les demander.

Quelle action envisagez-vous donc pour revendiquez vos droits ?

Mobiliser les personnes concernées de prés comme de loin, car cela peut arriver à tout le monde. Nous voulons connaître les causes exactes, dire non à la méthode de travail de Cotra Sud, et surtout lui dire qu’exiger des factures, cela ne fait que renforcer notre colère. Il lui faudra plus que des paroles pour rendre nos biens, car celles-ci ne pourront jamais réparer le préjudice moral et matériel que cette perte nous a causé.

Jusqu’à présent, d’autres victimes ne se sont pas manifestées, en tout cas suffisamment, comment expliquez-vous cela ?

Je pense que la plus part des victimes se trouvent actuellement aux pays, car bien sûr ces conteneurs étaient surtout destinés aux mariages et aux vacanciers. Or les gens sont déjà partis. La deuxième cause c'est que les gens sont démunis de tout, ils ne savent pas vers qui se tourner si ce n’est faire des aller-retour entre leurs domiciles et l'agence Cotra Sud. Et l’explication qu’on donne : « attendons l'expertise ». Comme si celle-ci allait répondre à nos attentes. C'est pour cela que je continue à lancer l'information, pour faire savoir  qu'un collectif est en entrain de se créer pour revendiquer nos droits. Alors je fais appel aux femmes et aux hommes, aux jeunes qui sont aujourd’hui touchés directement ou indirectement par cette affaire, à ceux qui ont déjà vécu d’histoires d'abus similaires, que ce soient maritimes ou aériens de nous joindre, pour que ce mouvement puisse avoir le poids qu'il mérite.

Attendez-vous quelque chose de l’Etat comorien ?

Bien sûr ! Nous attendons plus que quelque chose de l'Etat Comorien. Je pense, en effet, que les familles ont perdu beaucoup mais la douane comorienne aussi. Vous vous rendez compte, huit conteneurs, plus de dix voitures et bien d’autres choses. Cela représente une perte énorme pour l’Etat. Il  y a non seulement une perte financière pour lui, mais je pense aussi que pour un Etat responsable qui se soucie de son peuple a le devoir de ne pas négliger une telle affaire. Nous savons tous que la diaspora comorienne joue un rôle primordial en ce qui concerne la survie et l'évolution du pays. Alors me dire que c'est une affaire qui passerait inaperçue aux yeux des dirigeants ne me traverse pas l'esprit. Merci donc à Messieurs les Dirigeants de ne pas sacrifier votre peuple pour des intérêts personnels,  car nous savons comment le « Blanc » s'emploie pour étouffer une affaire qui le dérange.  Nous souhaitons simplement qu’ils (les dirigeants du pays) mettront en œuvre pour rendre justice à celui qui le mérite. 

 Propos recueillis par A. M

Kweli Le 26/07/07