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Hachim: "Les clefs de cette crise anjouanaise se trouvent bien à Paris et non à Addis-Abeba"

Hachim Said Hassani, vice-président de l’organisation internationale de médiation de Genève, œuvre depuis plusieurs mois pour la création de la fondation des Comores. Tout semble être dans la bonne voie, car l’inauguration de la fondation est prévue le 9 septembre prochain à Foumbouni. C’est dans ce contexte que nous avons rencontré M Hachim pour comprendre l’objectif de cette initiative. Mais au-delà de la fondation, l’ancien secrétaire du Mouvement sauver l’unité des Comores, ne manque pas l’occasion d’analyser la situation des Comores. Pour lui, l’heure est grave, Sambi doit dératiser le navire Comores. Une interview sans concession.

Quel est l'objectif de la fondation ?

Comme c’est stipulé dans l’article 4 des statuts, la fondation a pour but d’aider les villes, les villages et les régions des Comores dans plusieurs domaines. Je peux citer l’eau, l’électricité, les routes et bien d’autres. J’ai eu cette idée à Genève à partir de mes rencontres avec des responsables d’ONG sur place. J’ai pu constater ce qu’une organisation non gouvernementale animée de bonnes intentions est capable de réaliser dans un pays pauvre comme le nôtre. J’espère Inchallah que cette fondation deviendra dès son lancement un vrai moteur de développement pour les Comores.

Créer une fondation ça demande beaucoup d’argent. Comment faites-vous ?

Il faut savoir que dans notre pays, il n’y a pas encore de loi régissant les fondation. Cela veut dire quoi ? Et bien, je n’avais pas besoin de posséder une grosse somme d’argent pour démarrer la fondation. Tout le monde peut le constater, j’ai ouvert le compte à la Poste des Comores avec une somme modique. La fondation a aussi comme objectif d’inviter des personnalités du monde du mécénat et de la philanthropie internationale dans notre pays, afin qu’ils se rendent compte par eux-mêmes des besoins vitaux de la population des Comores. Il est inadmissible que dans nos villes et villages où s’exerce le métier de pêcheur, il n’y ait même pas une unité de secours pour sauver les pêcheurs perdus en mer. Il est intolérable aussi que dans notre pays, il n’y ait pas de voiture ambulance pour transporter la femme enceinte ou la personne malade. Donc il est impératif que la fondation puisse pallier à ce manque criant.

Comment pensez-vous financer les actions de la fondation ?

Tout le monde le sait. Une fondation fonctionne grâce aux dons, aux legs, aux subventions, mais aussi aux manifestations de réception organisées par la fondation elle-même. Cela permet d’assurer son fonctionnement mais aussi de financer ses investissements. La fondation compte évidemment sur la générosité internationale pour assurer ses missions.

Pourquoi localisez-vous la fondation à Foumbouni ?

Nous savons très bien que Moroni c’est la capitale des Comores, mais Foumbouni comme beaucoup de villes et régions, a besoin d’exister. On a choisi donc Foumbouni pour changer un peu. Je vous assure, ce n’est pas du chauvinisme. Cela répond à des réalités historiques, politiques, sociales, immobilières et environnementales. C’est aussi un honneur en ma qualité de Foumbounien de permettre à ma ville, à ma région de s’épanouir.

Vous dites vouloir créer la fondation pour aider les Comores. Est-ce que cela se fait en partenariat avec les pouvoirs publics ?

Il va de soi, dans la mesure où la fondation porte le nom des Comores, elle sera amenée à collaborer avec les pouvoirs publics et les institutions en place. Les autorités du pays sont déjà au courant de la création de la fondation. D’ailleurs, elles étaient toutes invitées le 30 juin à Genève au moment du lancement de la fondation. Même le président Sambi a été invité. Malheureusement, la situation dramatique que vit le pays aujourd’hui n’a pas permis leur déplacement. J’en ai bien sûr parlé au vice-président Idi dont tout le monde connaît la proximité familiale avec moi. J’en ai parlé également au vice-président Iklilou. Tous les deux étaient enthousiastes et m’ont dit tout le bien qu’ils pensaient d’une telle initiative qui serait porteuse d’avenir pour le pays.

Vous parlez du pays et de sa situation dramatique, comment voyez-vous les Comores d’aujourd’hui ?

Malheureusement c’est toujours un pays qui va mal. Et ce n’est pas faire injure au chef de l’État quand je dis cela. Lui-même est conscient du chaos politique, économique et social qui menace les Comores. J’ai eu l’occasion de m’entretenir avec lui à Paris il y a quelques mois. Je lui ai parlé de l’impérieuse nécessité qu’il y a à dératiser le navire Comores. Parce que s’il ne le fait pas, les rongeurs risquent de revenir et ils reviendront sûrement. Malheureusement, le président n’a pas tenu compte, malgré le fait qu’il ait accepté et compris l’urgence du problème. Conséquence : il vient de recevoir un avertissement sans frais de son propre chef d’état-major. Ça aurait pu se passer à Beit-Salam. Le président doit accepter d’écouter ceux et celles qui lui veulent du bien et agir pour le salut du pays.

Mais vous lui reprochez de quoi au juste?

Vous savez, il est très difficile de conseiller un fundi parce qu’il croit tout savoir et maîtriser même son propre destin. Cela veut dire qu’il considère son entourage, son gouvernement, son peuple et le pays comme étant ses propres élèves. Il entend mais n’écoute pas. Moi je ne suis pas son conseiller et je n’ai pas envie de l’être. Je suis son frère de sang prophétique en la personne de Mohammed, paix et bénédiction sur lui. Je suis également son frère de sang royal en la personne du sultan Mouigni Mkou. En public comme en privé, je lui parle comme un frère. Pour se sauver d’une situation tragique, M. Sambi doit accepter de se débarrasser de ses habits de fundi pour garder uniquement ceux du chef de l’État. Je le recommande de lire le théoricien du pouvoir et de la ruse, conseiller du prince humaniste de la renaissance, Machiavel. Dans son mémorable et mythique œuvre, Le prince, celui-ci écrivait : "Le prince se doit d’être à la fois un lion et un renard, un lion pour pouvoir effrayer les loups et un renard pour débusquer pièges et guet-apens." Il ajoutait : "Le prince doit savoir aussi écouter et agir, parce que s’il ne sait pas le faire, il perd le contrôle de la situation."

Aujourd’hui, le président Sambi semble avoir les pleins pouvoirs à Ngazidja et à Mwali, pourra-t-il donc s’en sortir, à votre avis ?

Ni Mwali ni Ngazidja ne pourront jamais sauver Sambi, dans la mesure où c’est Anjouan qui menace sa propre vie et celle de son régime. Malheureusement, le chef de l’État se trouve aujourd’hui dans la même situation que Tadjidine en 1998. C’est un comorien d’origine anjouanaise qui gouverne Mwali et Ngazidja. Donc il ne doit pas écouter ceux qui le poussent à faire la guerre. Moi je pense sincèrement qu’il faut être prudent. Car si on se lance dans une opération de débarquement, les navires et les hélicoptères des forces des pays qui voudront nous aider n’auraient pas le temps de décoller de l’aéroport de Hahaya et du port de Moroni, le pauvre Sambi serait lui-même débarqué. Je crois profondément qu’il doit accepter de composer avec les forces qui veulent sa perte.

Quelles sont ces forces ?

Nous savons très bien qu’Anjouan ne possède pas une usine, ni de confection, ni d’imprimerie, ni d’armement, ni de planche à billets de banque. Et pourtant le 3 août 1997, jour du déclanchement du séparatisme, presque tous les Anjouanais avaient des armes, des posters à l’effigie du président français et plein de billet de banque. On voyait des drapeaux français partout. Je trouve que les clefs de cette crise anjouanaise se trouvent bien à Paris et non à Addis-Abeba.

En tant que natif de Foumbouni, comment analysez-vous la défaite de Me Larifou lors de la dernière élection présidentielle de Ngazidja ?

Me Larifou a tout fait pour remporter cette élection. Mais il faut accepter que la vie est faite de succès et d’échecs. Je pense que la défaite de Said Larifou s’explique par le fait qu’il soit lâché par Elbak et Sambi. Souvenons-nous, Larifou avait soutenu Elbak en 2002 et Sambi en 2006 avec beaucoup de détermination. Cette fois-ci, il n’y a pas eu de leur part un renvoi de l’ascenseur, alors qu’au vu et au su de tous, Me Larifou possédait les capacités et les moyens, mais aussi un projet ambitieux pour redresser Ngazidja, et à terme le pays. Pour Sambi Larifou était la meilleure carte à jouer.

Et qu'est-ce qui explique, selon vous, le vote limite à Mbadjini en faveur de Larifou ?

Dans le Mbadjini, il y a un vrai problème : l’arrogance qu’ont toujours manifestée les Foumbounien à l’endroit des Mbadjiniens. Nous l’avons payé très cher cette fois-ci. Foumbouni doit aujourd’hui impérativement trouver les voies et les moyens de se réconcilier avec le Mbadjini. Un dicton comorien dit : "yemana wandru wambawo nkouhou ndemapuzi sha yeka nkuhu katsina mapuzi yisho yipvungu."

Beaucoup parlent d’un rôle négatif qu’aurait pu jour le vice-président Idi…

Les Mbadjiniens sont en colère contre les Foumbouniens. C’est vrai beaucoup de cadres originaires de la région ont été « virés » depuis l’arrivée du président Sambi, alors que Idi occupe le poste de vice-président à ses côtés. A tort ou à raison, ils font porter le chapeau à M. Idi. L’élection passée, cétait le bon moyen pour les Mbadjiniens de se venger contre Foumbouni. Mais moi personnellement, je ne pense pas que M. Idi ait aidé en quoi que ce soit à l’éviction de ces cadres. Peut-être qu’il aurait dû taper du poing sur la table pour exiger de la part du gouvernement le maintien de ces cadres à leurs postes.

 Propos recueillis par A. M

Kweli Le 29/07/07