Tout ceux qui ont côtoyé Mohamed Said Abdallah Mchangama ont pu
garder quelques souvenirs : c’est un homme de qualité, d’une
grande intelligence, qui sait ce qu’il veut et ne recule devant
rien; c’est une personnalité prête à tout pour satisfaire ses
ambitions, même les plus folles, et généreuse envers ses amis ;
mais c’est surtout un homme plutôt changeant, opportuniste et
quelques fois malhonnête, et c’est sans doute ce qui a freiné
son ascension politique qui semblait pourtant péremptoire aux
début des années 1990. Alors, qui est vraiment M. Mchangama ?
Est-il capable de gagner cette élection ? Quelles sont ses
faiblesses ?
Sa trajectoire commence en
1968 lorsqu’il se mobilise activement pour le grand mouvement de
grève du lycée Said Mohamed cheikh. Expulsé du lycée à l’issue
de cette manifestation, Mohamed Said Abdallah Mchangama s’envole
vers l’Afrique pour poursuivre ses études. Il intégra donc le
Molinaco (Mouvement de Libération nationale des Comores), basé à
Dar-Es-Salam. Quelques années après, il s’installa au Danemark
où il voulait s’établir en hommes d’affaires. Mais très
rapidement ces activités sont mises en liquidation. Tout ce
parcours lui a permis d’élargir ses relations, d’apprendre
plusieurs langues et surtout de maîtriser le langage des
affaires. C’est fin 1989, au lendemain de l’assassinat du
président Abdallah, que Mohamed Said Abdallah Mchangama, comme
beaucoup de jeunes cadres comoriens, a décidé de retourner aux
Comores et s’imposer en tant qu’homme politique. Il devint l’un
des brillants conseillers de Mohamed Taki Abdoulkarim, principal
présidentiable pressenti par les Comoriens. Mais les relations
entre les deux hommes n’iront pas trop loin, car M. Mchangama
s’est éloigné de Taki au second tour de l’élection
présidentielle de mars 1990, pour rejoindre le camp de Said
Mohamed Djohar qui le nomma aussitôt conseiller à la
présidence, puis ministre de l’Economies et des finances, et
puis ministre de l’Equipement, des Transports et des
Télécommunications. Mais pour pouvoir contrôler tout, M.
Mchangama n’a pas hésité à manipuler le pouvoir jusqu’à
détourner la présidence de l’Assemblée nationale en 1994, au
mépris du principe constitutionnel de l’équilibre des îles.
Entre mars 1990 et septembre
1995, M. Mchangama avait ainsi réussi une ascension politique
exceptionnelle, il aurait même voulu convaincre son beau père,
le Président Djohar de se retirer de la vie politique, en sa
faveur, au terme de son mandat. Mais Mchangama, c’est aussi
l’enfant terrible du régime Djohar qui a plusieurs fois défrayé
la chronique pour ses scandales politico-financiers. Dans
l’affaire Intertrade par exemple, qui concernait 14 contrats
signés au nom de l’État comorien pour un montant de 265 millions
de francs français, Mchangama a lui-même reconnu avoir participé
à cette transaction opaque et en empoché des commissions
importantes. ça lui a valu alors le surnom de « Tahomba »
(un mot qu’il a lui-même prononcé pour minimiser le degré de son
implication dans l’affaire). On peut aussi citer l’affaire
Catinat Consult où Mchangama a tenté d’user de ses prérogatives
de ministre de l’Economie et des Finances pour faire des Comores
un paravent à la vente d’armes (voir, Scandales politiques en
série, Mohamed Wadaane, 2001).
Mchangama c’est aussi un animal
politique, capable de verrouiller le système et d’évincer tous
ceux qui, de près ou de loin, peuvent lui être un obstacle.
Caabi Elyachroutu, Ali Haribou et Mohamed Sagaf, pour ne citer
que ceux-là, peuvent en témoigner.
Aux
Comores, Mchangama se présente comme un Mbadjinien, quand il est
France, il redevient moronien
Aujourd’hui, Mchangama, à l'approche des 60 ans, essaye de gommer
cette image négative qui colle à sa peau. Après quelques années
de repli, et à défaut de pouvoir s’imposer dans la capitale, il
a effectué son retour en politique à la tête de la ville de Mohoro, ville natale de son père qui l’a adopté sans aucune
difficulté. « C’est la population de Mohoro qui est venue me
chercher », a confié récemment l’intéressé, mais on ne sait
pour quelle raison. En tout cas, il s’y investit dans
l’éducation des jeunes et jouit d’une image très positive pour
ses quelques œuvres de bienfaisance.
Président de l’association des
maires de Ngazidja, Mchangama a toujours bien défendu la cause
de ses pairs, notamment quand il s’agissait de s’opposer à
l’organisation des municipales en décembre dernier comme le
souhaitait le chef de l’exécutif de l’île, Mzé Soulé Elbak. Cela
va-t-il suffire pour convaincre les wangazidja et les
Mbadjiniens à lui donner confiance ? Rien n’est sûr, car un
faucon qui se transforme en colombe, ce n’est pas chose
évidente. Et surtout que personne ne croit en sa démarche. Il
continue de nier en bloc les actes de malhonnêteté et les
scandales politico-financiers dont il est considéré comme
l’orchestre principal. Il renvoie toujours ses détracteurs au
manque de preuves judiciaires, comme si les Comores étaient
réputées d’avoir une justice exemplaire. Concernant son
installation récente dans le Mbadjini qui paraît plus
électoraliste qu’autre chose, rien ne lui garantit un électorat
dans cette grande région du sud de l'île, surtout que trois à
quatre candidats mbadjinien de sang et de coeur seront présents
dans la course. Mchangama est très habile, aux Comores, il
se présente comme un Mbadjinien, et quand il est France, il
redevient moronien. Ça suffit maintenant !
De toute façon Mchangama peut
compter sur un réservoir de cadres, anciens du PRC (parti
républicain des Comores), qui lui doivent aujourd’hui leurs
premiers pas dans la politique. Ancien président de l’Assemblée
nationale, ex-ministre des Finances, il a contribué au
rajeunissement de l’administration nationale. Et contrairement à
certains candidats, il va s’appuyer sur son propre appareil
politique, Kassiya la Komor crée en avril 2006. Toujours à
Mohoro.Réagissez
Kweli /04/04/2007
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