Mohamed Abdouloihabi
Pendant
longtemps, Abdouloihab Mohamed, originaire de Mdjoiézi
Hambou, a été considéré comme un homme d’État exemplaire.
Plusieurs fois ministres dans les années 1990, il a su
garder l’image d’une personnalité honnête, modeste, et
surtout différente par rapport à ses homologues. Il est l’un
des rares anciens juges et ministres, pour ne pas dire le
seul, qui ne dispose d’aucune fortune à décrier. Voilà ce
qui lui a permis d’être épargné de toutes les critiques
acerbes régulièrement lancées aux hommes politiques
comoriens. Sauf qu’aujourd’hui, tout semble avoir changé, M.
Abdouloihabi est moins apprécié, son image est contestée, à
cause en grande partie de ses erreurs d’appréciation et de
son passage au premier gouvernement de Sambi. Et pourtant il
a décidé de se présenter aux élections présidentielles de
Ngazidja, en tant que candidat du pouvoir de l’Union. Voilà
pourquoi kweli a jugé utile de vous décrire, à quelques
semaines seulement du premier tour du scrutin, cette
personnalité qui devient de plus en plus controversée.
Mohammed Abdouloihabi, 48
ans et père de trois enfants, a débuté sa carrière dans la
magistrature en 1990 en tant que juge d’instruction. Pendant
deux ans, il a montré l’image d’un homme courtois, intègre,
respectueux, mais qui a la volonté de rendre justice. En
1992, il est nommé secrétaire général de la fonction
publique, un poste qu’il occupera pendant neuf mois.
Depuis, il ne cesse de
gravir les échelons du pouvoir. Ministre de l’Intérieur
entre octobre 1994 et avril 1995, puis ministre des affaires
étrangères jusqu’au coup d’État de septembre 1995. Sous le
régime très perturbé de Mohamed Taki Abdoulkarim, M.
Abdouloihabi a été ministre de la justice entre mai et août
1996. Depuis, il a fait son retour à la justice d’abord en
tant que procureur de la République entre août et décembre
1996, puis Conseiller à la Cour d’Appel de Moroni jusqu’en
2001. Il réintègre le pouvoir en mai 2006 dans le premier
gouvernement du président Sambi qu’il a dû quitter le mois
dernier pour se présenter à l’élection présidentielle de
Ngazidja. Va-t-il pouvoir capitaliser ce long parcours
professionnel et politique pour se faire élire en juin
prochain ?
Justement, c’est tout le
problème. M. Abdouloihabi, malgré cette longue trajectoire,
n’a jamais été un homme politique. Il doit beaucoup son
ascension à son image de cadre juriste, docile, loyale et
intègre. Il la doit également à son image d’homme aux trois
cultures traditionnelle comorienne, occidentale et musulmane
qui lui permettent donc de s’adapter à tous les milieux et
d’être reconnu.
Mais M. Abdouloihabi n’a pas
su profiter de ce parcours pour se convertir et s'imposer,
par des actions concrètes, en véritable homme politique. Ses
brefs passages au FNJ, au parti Chawiri ou ailleurs ont été
plus relationnels qu’idéologiques. Son erreur est d’avoir
toujours pensé que, grâce à son attitude et son expérience,
les Comores auront besoin de lui quelque soient les
gouvernants. C’est pour cela et à cause de cela qu’il s’est
toujours éloigné du peuple, même quand c’est celui-ci qui
lui offre les clefs du pouvoir. Pour ne citer que cet
exemple, il n’a pas été directeur de Cabinet du premier
gouvernement Sambi par hasard. Ce sont des hommes et des
femmes, en majorité issus de la diaspora qui ont cru en lui,
et qui ont tout fait pour qu’il soit au premier rang de ce
nouveau pouvoir. Résultats : aujourd’hui, ils se sentent
tous trahis, et attendent à pieds fermes son retour annoncé
en France dans les jours à venir. Dans le Hambou également,
région qui aurait pu être son fief, il a du mal à se faire
entendre et se faire passer pour un enfant du pays. Il a
récemment été chahuté à Singani, ville natale de son père.
Que se passera-t-il ailleurs ?
M. Abdouloihabi c’est aussi
une personnalité ambiguë, très difficile à cerner et qui ne
sait pas dire non aux hommes de pouvoir. Son idéologie se
résume à cette courte phrase : « quiconque a des bonnes
idées pour les Comores, je suis prêt à l’aider ». Sauf qu’il
oublie toujours que des bonnes idées ne peuvent pas venir de
n’importe qui. Voilà pourquoi n’a-t-il pas hésité à se
rallier au pouvoir militaire du colonel Azali dont il a
servi comme conseiller juridique pendant près de quatre ans.
Il fait donc partie des rédacteurs de la constitution de
2001 qui a fait voler en éclat l’unité nationale. De 2001 et
2006, pendant qu’il s’est offert un moment de repli à
Marseille(France), loin des conflits de compétences et les
querelles de pouvoir entre les présidents comoriens, M.
Abdouloihabi a gardé des liens très étroits avec plusieurs
dinosaures. Il conseillait par exemple Mohamed Said Abdallah
Changama qu’il a sans doute aidé pour la création du parti
Kasya ya Komor, Kaabi Elyachroutu Mohamed dont il était
membre éminent du comité de soutien pour les présidentielles
de l’Union de 2006 qu’il a quitté brutalement pour rejoindre
le camp de Sambi quelques jours avant le premier tour.
Aujourd’hui, à la surprise
générale, M. Abdouloihabi a quitté le cabinet présidentiel
et le gouvernement, pour la conquête de l’île de Ngazidja,
sans doute pour tenter de sortir Sambi de la
« cohabitation » inattendue et qui semble empoisonner
son pouvoir depuis maintenant 11 mois.
Mais l’énigme reste totale
quant à l’avenir d’Abdouloihabi en cas d’un désaveu
populaire à l’issue de cette élection. Va-t-il réintégrer le
gouvernement dont il a dû démissionner sans être vraiment
d’accord ? Ou devra-t-il encaisser le coup et voir sa
carrière politique se briser ainsi prématurément ? Attendons
les réponses du président Sambi qui, apparemment n’a trouvé
un bon candidat à Ngazidja que M. Abdouloihabi.Réagissez
Kweli/11/04/07
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